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Dernier état du droit français en matière de nom de domaine


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30112001

Dernier état du droit français en matière de nom de domaine


1-Le cybersquattage demeure une menace sérieuse :

Les « cybersquatters » ont pour stratégie de déstabiliser principalement les grandes entreprises, par le choix malicieux du nom de domaine de leurs sites.
Lors du dépôt de leur nom de domaine, ils reproduisent ainsi la dénomination sociale, l'enseigne, la marque ou le nom commercial d'un tiers.
Ils procédent à la réservation en ligne, via une société d'enregistrement agréée auprès d'un organisme spécialisé : l'AFNIC en France pour la zone fr ; l'organisme mondial compétent étant l'ICANN.
La réservation a pour objet un nom de domaine dont le radical est composé du signe distinctif du tiers victime suivi du suffixe permettant de déterminer le lieu de localisation géographique du site ( fr pour un site hébergé en France, com pour un site hébergé aux Etats unis, de pour l'Allemagne, uk pour la Grande Bretagne.).
Ils tirent ainsi bénéfice de la règle de principe applicable en la matière qui est celle du « premier arrivé, premier servi » ; l'autorité de nommage n'ayant aucune obligation de recherche d'antériorité vis à vis des marques ou dénominations sociales déposées .
Leur objectif est spéculatif : le réservataire a pour seul but de revendre ou de louer le nom de domaine au propriétaire de la marque ou à un concurrent de celui-ci en réalisant une plus value sur les frais engagés pour l'acquisition ou la réservation du nom. On peut ainsi citer l'exemple du nom Business.com qui a été racheté pour 7, 5 millions de dollars.
Leur motivation peut être en outre, anti-concurrentielle : la réservation est destinée à perturber les opérations commerciales du concurrent. Elle a pour but d'empêcher le titulaire de la marque de l'utiliser à titre de nom de domaine ( les extensions seront alors réservées en com, net, org ).
Elle peut être enfin parasitaire : le réservataire utilise sciemment le nom de domaine aux fins d'attirer les internautes en créant une confusion avec la marque intégrée au nom.
L'atteinte à la marque Vuitton donne une parfaite illustration de ces pratiques. Ainsi, un japonais a pu déposer Vuitton.net, un italien Evuitton.com, un coréen Louisvuittongucci.com et un thaïlandais Vuittonmassage.com

Tout consommateur peut en outre se muer en cybersquatter. Ainsi, par la pratique des « suck's com » (traduction, « c'est nul »), il s'agit de mettre en place des sites dédiés à l'expression du mécontentement de l'usager et au dénigrement de l'entreprise dont le signe distinctif est intégré au nom de domaine : ainsi voir à titre d'exemple « Volvosucks.Com » , ou encore l'affaire ayant opposé la RATP à un usager ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris du 21 mars 2000.
L'engouement pour les noms de domaine est patent.A ce jour, on dénombre ainsi plus de 18 millions de noms de domaine en.com, plus de 3 millions en.net, 2 millions en.org et déjà plus de 130 000 en.fr.
Face à ce phénomène de saturation, l'ICANN a décidé de créer 7 nouveaux suffixes : «.biz » (business), «.pro » (professions libérales), «.museum » (musées), «.aero » (aéronautique), «.name » (site personnel), «.coop » ( coopératives).
Le premier «.biz » a d'ailleurs été attribué par l'Icann en juin dernier. Toutefois, la procédure d'attribution adoptée dans le cadre de cette nouvelle extension, et finalisée par un tirage au sort n'est pas exempte de risques juridiques pour les titulaires de marques qui peuvent voir des noms de domaine intégrant leur signe protégé, leur échapper.
La multiplication des suffixes est ainsi à l'origine d'une augmentation certaine des cybersquatters potentiels ou avérés. Ceci d'autant plus que leur imagination est sans limite comme le démontre la réservation au lendemain des attentats du 11 septembre du nom de domaine « worldtradecenterattacks.com », revendu par la suite aux enchères à un prix très élevé.
Ainsi, bien que les entreprises et notamment les grandes entreprises françaises aient accompli de réels efforts en matière de protection de leurs noms de domaine et de leur marques, la menace demeure.
Une étude réalisée par SOS Domaines.com démontre que 76% des sociétés du CAC 40 ont encore des problèmes d'homonymie ou de piratage.
Face à ce constat, une tendance à la remise en cause du rôle et de la responsabilité des autorités de nommage semble se dessiner.
En ce sens, l'affaire ayant donné lieu à la décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 13 septembre 2001 pose la question des obligations précises des sociétés d'enregistrement.
Le litige opposait l'Agence nationale pour l'emploi à une personne physique, laquelle avait déposé, en vue d'exploiter un site d'annonces et de consultation d'offres d'emplois, le nom de domaine ANPE.com.
Pour l'ANPE, la société d'enregistrement avait méconnu son obligation de contrôle et avait participé à la réalisation de la contrefaçon par fourniture de moyens.
Cette décision et sa solution permettent de faire à ce jour le bilan de l'état du droit en matière de protection des noms de domaine et de mettre en lumière les limites de la « réglementation » actuelle.


2. Les outils juridiques de la « réglementation » des noms de domaine » : un arsenal efficace et suffisant ?
La réponse judiciaire apportée a posteriori aux pratiques abusives en matière de nom de domaine est à ce jour clairement et unaniment adoptée par l'ensemble des juridictions.
Ainsi et en premier lieu, sans prendre précisément parti sur la qualification juridique de ce signe distinctif, sa valeur patrimoniale et corrélativement le droit de propriété qui en résulte pour l'entreprise ont été consacrés par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 18 octobre 2000 opposant la société Virgin Interactive Entertainment à la société France Télécom.
Le nom de domaine est protégé en tant que tel aux conditions suivantes classiquement retenues en matière de signe distinctif :
- le droit sur la dénomination devra être justifié - l'antériorité de son usage devra être caractérisé - le risque de confusion dans l'esprit du public suscité par l'emploi d'un signe comparable devra être démontré.
Seront exclus de toute protection, les noms de domaine composés exclusivement de termes génériques et descriptifs.
Appliquant ces principes, les juridictions ont pu faire primer la protection du nom de domaine sur une marque qui avait fait l'objet d'un dépôt postérieurement à l'enregistrement du nom.
L'auteur de l'atteinte sera condamné à verser une indemnisation et à cesser le trouble porté au droit de propriété sur le nom, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et des notions de concurrence déloyale et de parasitisme.
A l'inverse, celui qui choisit comme nom de domaine, un signe distinctif déjà déposé comme marque sera considéré comme contrefacteur : TGI Nanterre, 2ème ch., 10 janvier 2000 SNC Lancôme c SA Grand Total Finance Ltd.
La protection judiciaire sera étendue à la victime d'un cybersquatter qui exploite une marque non déposée mais notoirement connue : TGI Draguignan.ord réf., 8 avril 1998 : http://www.legalis.net.
Enfin, le juge n'hésite pas à ordonner le transfert du nom de domaine et à mettre en jeu la responsabilité civile du contrefacteur : TGI Nanterre. , 16 septembre 1999, Vichy.com.
Toutefois, là encore, lorsque la dénomination est banale est que les entreprises n'interviennent pas dans le même secteur d'activité, la concurrence déloyale pourra être écartée : Affaire AliceTGI. , Paris. , 23 novembre 1999 : http://www.legalis.net.
Enfin, en matière de suck's com, l'exception de parodie ne sera pas facilement retenue.
La protection judiciaire du nom de domaine paraît en conséquence efficace et rapide , le juge des référés étant compétent pour trancher le litige.
Elle concurrence ainsi sérieusement les procédures d'arbitrage et de médiation prévues par le règlement de l'ICANN et auxquelles adhère le réservataire dans le cadre de la procédure d'enregistrement.
En effet, ces procédures aboutissent à des sanctions limitées à la radiation ou au transfert du nom de domaine litigieux sans prendre en considération la réalité du préjudice subi par la victime de l'abus.

Ainsi, les solutions proposées par les autorités de nommage, une fois le trouble avéré, peuvent paraitre insuffisantes. Il en va de même de l'intervention de ces structures et des sociétés d'enregistrement, en amont, lors de la procédure de réservation du nom.
D'aucuns ont pu en ce sens soutenir, que ces dernières devaient assurer une véritable surveillance de la légitimité des demandes de réservation.
Quant à la jurisprudence, dans la décision précitée relative à l'affaire « ANPE.com », elle se refuse à mettre à la charge des sociétés d'enregistrement une obligation particulière de contrôle lors de la vente du nom de domaine par ses services.
Ces sociétés sont ainsi clairement dispensées de toute recherche d'antériorité.
Ce régime favorable peut paraître en contradiction avec le principe posé par le dernier projet de loi sur la société de l'information selon lequel les noms de domaine constitueraient des « ressources publiques limitées » dont la gestion est confiée aux organismes de nommage qui agréent eux-mêmes les sociétés d'enregistrement.
Cette analyse peut en outre être discutée au regard du régime de responsabilité nettement alourdi des fournisseurs d'hérgement qui furent un temps, tenus d'une obligation de prudence et de diligence et auxquels la jurisprudence avait imposé de prendre les précautions nécessaires pour éviter de léser les droits des tiers : CA Paris. , Valentin Lacambre c Estelle Lefebure Smet Halliday, 10 février 1999 ; TGI Nanterre, 8 décembre 1999, Lynda Heineman épouse Lacoste c Société France Cyber Média et autres.
Toutefois, ces avancées jurisprudentielles n'ont pas manqué d'être battues en brèche par la Directive communautaire Commerce Electronique du 8 juin 2000 et la loi du 1er août 2000 qui dispensent les hébergeurs et fournisseurs d'accès de toute obligation de surveillance et de contrôle.
Il n'en demeure pas moins que de nombreuses voix s'élèvent pour renforcer les dipositifs de protection des signes distinctifs, telle l'Organisation Mondiale de la Propriété Intelectuelle qui propose de soumettre à une protection spécifique les dénominations communes internationales des substances pharmaceutiques, les noms d'organisations gouvernemtales internationales, les indications géographiques

Gageons que le débat n'est pas clos et que la valeur patrimoniale du nom de domaine va peser fortement dans la discussion relative au renforcement de la sécurité juridique de son titulaire.

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