Lorsqu’un salarié est soupçonné d’avoir commis une faute grave dans l’entreprise, la mise à pied conservatoire peut être appliquée. Cette mesure vise à écarter le salarié de l’organisation en attendant qu’une solution proportionnée soit trouvée pour son acte. Cependant, il arrive que certains employeurs abusent de cette procédure en la mettant en place de manière excessive.
Contester une mise à pied conservatoire constitue un recours possible pour le salarié qui se sent injustement traité. En effet, il peut saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir réparation et faire valoir ses droits face à cette décision disciplinaire.
Il est essentiel pour tout salarié concerné par une mise à pied conservatoire abusive de se tourner vers les instances compétentes pour défendre sa situation et obtenir justice.
Quelle est la démarche à suivre pour une mise à pied provisoire ?
La mise à pied conservatoire est une mesure temporaire prise par l’employeur à l’encontre d’un salarié ayant commis une faute grave, telle qu’un vol ou des actes de violence envers ses collègues, en attendant une décision définitive. Cette procédure est encadrée par les articles L.1332-2 à L1332-3 du Code du travail et implique plusieurs étapes importantes :
– La constatation de faits graves reprochés au salarié ;
– L’information de ce dernier, que ce soit verbalement ou par écrit, de sa mise à pied conservatoire (par exemple, via un SMS) ;
– Une convocation à un entretien préalable dans un délai raisonnable pour expliciter les motifs de la convocation. Cette convocation peut être remise en main propre contre décharge ou envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception. La jurisprudence considère généralement un délai court comme suffisant pour respecter cette étape ;
– Tenue d’un entretien entre l’employeur et le salarié, avec possibilité pour ce dernier d’être assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
– Enfin, prononcé de la sanction.
Selon la loi, l’employeur dispose d’un délai minimum d’un jour franc et maximum d’un mois après l’entretien pour prendre sa décision motivée et la notifier au salarié.
Il est crucial que si l’employeur opte pour un licenciement pour faute grave ou lourde, la fin de la mise à pied conservatoire doit être très proche voire immédiate par rapport aux démarches engagées pour le licenciement (article L1232-6 du Code du travail). En effet, retarder cette transition pourrait entraîner une requalification en sanction disciplinaire seule, annulant ainsi le licenciement conformément au principe interdisant les doubles peines. Pratiquement parlant, cela signifie que la levée de la mise à pied est simultanée au début d’une procédure disciplinaire qui se soldera soit par un licenciement soit par une sanction moins sévère comme un avertissement ou un blâme.
II – Quand peut-on juger que cette réaction est excessive ?
1 – Anomalies procédurales
L’article L.1332-3 du Code du travail stipule que l’employeur doit suivre certaines règles lorsqu’il décide de mettre un salarié à pied conservatoire, conformément à l’article L.1332-2.
Il est mentionné que l’absence d’entretien préalable et le fait de prononcer une sanction définitive sans respecter les dispositions de l’article L.1332-2 constituent des irrégularités selon la loi.
2 – Prolongement excessif du délai de suspension
Bien que le Code du travail ne fixe pas de durée spécifique pour une mise à pied, la jurisprudence a établi des critères à considérer. Par exemple, dans un arrêt datant du 6 juin 2013 de la Cour d’Appel de Bordeaux concernant l’affaire opposant la SNC LIDL à Monsieur Vichetra X…, il a été jugé qu’un licenciement intervenu après 1 mois et 2 jours de mise à pied conservatoire pouvait être abusif en raison de cette longue période.
Cette prolongation exceptionnelle peut conduire à requalifier la mesure en une mise à pied disciplinaire. De plus, conformément au principe interdisant les doubles peines, il est important de noter qu’un employé ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits. Ainsi, il ne devrait pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire pour faute suivie d’une seconde sanction via un licenciement pour des événements similaires.
3 – Suspension préventive sans raison valable
Dans certaines situations, les employeurs peuvent recourir à des pratiques contestables lorsqu’un salarié refuse une rupture conventionnelle moins avantageuse pour lui, surtout s’il a une longue ancienneté. Il peut également choisir de tenir le salarié à l’écart des locaux afin de l’empêcher de récupérer des preuves essentielles pour sa défense en cas de litige. Cette mesure, appelée mise à pied conservatoire, est souvent motivée par des considérations financières. En effet, l’employeur peut chercher à contraindre le salarié à accepter une proposition désavantageuse pour réduire ses coûts ou à l’empêcher d’exercer ses droits en justice faute de preuves.
La mise à pied conservatoire soulève ainsi des motifs légitimes de contestation et peut conduire le salarié à envisager différents recours. Il est important pour le travailleur de connaître ses droits et de se faire accompagner par un professionnel du droit du travail dans ces situations délicates.
Il est crucial que les employeurs respectent les règles légales encadrant la mise à pied conservatoire et veillent à ne pas abuser de leur pouvoir dans le but d’intimider ou désavantager un salarié. En cas d’abus, il est recommandé au salarié concerné de se tourner vers les instances compétentes pour contester cette décision et défendre ses intérêts légitimes.
En conclusion, la mise à pied conservatoire peut être un motif sérieux de contestation pour un salarié qui se sent injustement traité par son employeur. Il est essentiel que chacun connaisse ses droits et puisse faire valoir sa position en cas d’abus ou de situation préjudiciable sur son lieu de travail.
4 – Elle est excessive par rapport à la sévérité des accusations portées
Le salarié peut contester une mise à pied conservatoire qu’il estime trop sévère, surtout si la faute reprochée est considérée comme mineure par rapport à la sanction imposée. De même, en l’absence de toute faute commise, il peut se tourner vers des recours. Il arrive que la jurisprudence invalide les reproches formulés dans certains cas, aboutissant ainsi à l’impossibilité de qualifier le licenciement de grave.
Par exemple, dans une décision du 1er février 2017, la cour a rejeté le pourvoi de la société Olibe contre Mme [N] [A] pour licenciement abusif étant donné l’absence de faute grave qui aurait été relevée à son encontre. Bien qu’elle ait déjà fait l’objet d’une mesure disciplinaire antérieure pour un manquement à ses obligations contractuelles et pour une erreur similaire jugée inacceptable par l’employeur et ayant conduit au licenciement (en raison de ses fonctions de chef de caisse adjointe), il n’a pas été prouvé que cette erreur revêtait un caractère suffisamment grave ni qu’elle avait causé un réel préjudice à l’entreprise. Ainsi, la sanction disciplinaire prononcée (le licenciement) s’est avérée disproportionnée par rapport aux torts reprochés car la société n’a pu démontrer adéquatement la gravité des actes incriminés ni justifier un préjudice significatif subi. (Cour cass. 1er février 2017, pourvoi n°15-24.549 formation restreinte ch. sociale).
Quand est-ce que le travailleur peut contester cette décision ?
La décision de licenciement prend effet immédiatement, obligeant ainsi le salarié à quitter l’entreprise sans délai. Cependant, il conserve le droit de contester cette mesure s’il estime qu’elle est injustifiée ou excessive par rapport aux faits reprochés. Cette contestation peut être soulevée simultanément avec la notification du licenciement dans la plupart des situations.
1 – Le courrier de réclamation du travailleur envoyé à son employeur
Le salarié peut contester une décision de licenciement en mettant son employeur en demeure de reconsidérer la situation. S’il persiste dans sa décision, l’employé a la possibilité de saisir le Tribunal de prud’hommes pour contester le licenciement pour faute grave ou lourde. Ce recours permet au salarié de défendre ses droits et d’obtenir éventuellement réparation.
2 – La procédure devant le Conseil des prud’hommes
Le salarié dispose d’un délai de 2 ans pour contester une décision prise à son encontre devant la juridiction prud’homale. En cas de succès, le Juge a la possibilité d’ordonner la réintégration du salarié dans l’entreprise si le licenciement est jugé injustifié, sous réserve de l’accord des deux parties ou s’il est reconnu comme étant sans cause réelle ou sérieuse.
Quels effets entraîne une suspension provisoire jugée injustifiée ?
1 – Compensation pour le travailleur
Le salarié peut recevoir différentes indemnités de la part de l’employeur. Cela inclut une compensation pour le préavis, les congés payés, ainsi que l’indemnité légale de licenciement. Cela s’applique également en cas de licenciement pour motif réel et sérieux ou disciplinaire.
2 – Cela entraîne une requalification en suspension disciplinaire
Contrairement à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire ne comporte pas de délai légal spécifique entre son commencement et sa fin. Cependant, il est essentiel pour l’employeur de respecter un délai raisonnable, faute de quoi la mesure pourrait être requalifiée en mise à pied disciplinaire. Cette requalification entraînerait diverses conséquences telles que l’impossibilité de licencier ou de sanctionner deux fois un employé pour les mêmes fautes, sauf s’il existe de nouveaux éléments ou une persistance du comportement fautif.
En cas de réintégration dans l’entreprise, l’employé conserve les avantages acquis avant le début de la procédure disciplinaire. De plus, il a droit au paiement des salaires non perçus pendant la période de mise à pied conservatoire. Dans certaines circonstances particulières, il peut également obtenir des dommages et intérêts. Par exemple, si la mise à pied conservatoire a été effectuée publiquement et d’une manière vexatoire (Cass. soc. 6 janvier 2010, P. n° 08-44218).